Arlette Angelini – Ouest France 15 mai 2020
LAILLE. « Ce qui me manquait le plus, c’était un câlin »
Arlette, 88 ans, dans la résidence senior de Laillé, raconte son confinement, et fait appel à ses souvenirs.
Comment s’est passé votre confinement ?
J’ai eu la chance d’être dans un environnement très protégé, mais j’ai forcément ressenti la solitude dans mon T2. Je voyais l’infirmière deux fois par semaine, mais le confinement me pesait. Heureusement, mon fils aîné, qui habite Noyal-Châtillon-sur-Seiche, m’apportait une ou deux fois par semaine des courses, des livres ou la pharmacie. Il s’est aussi occupé de tous mes moyens de communication modernes et c’est une révolution pour moi. J’ai connu l’époque où avoir le téléphone chez soi était un événement. Je communique par mail tous les jours. Mais sans aide, je n’aurais jamais pu installer la visio. J’ai de la chance, mais je n’ose imaginer le nombre de personnes âgées démunies dans ce domaine.
Ces outils ont rompu la solitude ?
Un peu. Je fais du Scrabble avec des joueurs à l’autre bout du monde, je regarde des séries… J’essaie d’apprivoiser un outil très rétif pour moi : le smartphone. Il faut être vif, précis, et avoir une bonne vue. À mon âge, c’est plutôt un challenge. J’apprends à faire des SMS et à envoyer des photos. La visio me permet de garder les contacts avec mes enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants.
Aviez-vous déjà connu une situation similaire ?
Jamais, même pendant la guerre, en 1940, lors des bombardements, près d’Angers. Durant toute cette période, pour nous occuper, ma sœur et moi avions fabriqué un Paris Trust (sorte de Monopoly). La table de jeu, les cartes, de propriétés, peintes et écrites une à une à la main, les billets, et les maisons faites avec le ruban métallisé antiradar largué par les alliés… C’était bien autre chose qu’aujourd’hui. Nous avions faim, nous pouvions perdre la vie d’un coup, mais nous pouvions nous soutenir, nous toucher, nous embrasser. Pour être très honnête, ce qui me manquait le plus, c’est tout bête, et ça ne coûte rien, c’était un câlin.
Ouest-France – 15 mai 2020